Avez-vous remarqué comment certaines conversations ayant un objectif de négociation, de compromis ou d’entente mutuelle peuvent rapidement devenir pénibles voire franchement énervantes? J’ai assisté récemment à un épisode extraordinaire d’une négociation entre un couple très jeune au sujet d’une discorde *pour ne pas changer me direz vous*. Pour poser le contexte, c’est la fille qui demande à son copain un peu d'attention, d’être plus présent pour elle au quotidien.
BRASSER DU VENTJ’écoutais les arguments de l’un et de l’autre. Ceux-ci tournaient essentiellement autour d’éléments logistiques très factuels et pratico-pratiques tels que la distance entre les lieux d’habitation (“trooop loin” pour l’un, “à côté” pour l’autre), le temps de transport qui y est associé (“trooop long” pour l’un, “à deux minutes” pour l’autre), les moyens de transport à disposition (“c’est galèèère” pour l’un, “c’est facile” pour l’autre) et j’en passe.
Bref, à chaque argument béton de l’un était opposée une objection d’acier de l’autre. Et plus le stock de cartouches s’amenuisaient dans les argumentaires respectifs, plus la tension devenait palpable. La mayonnaise commençait à monter chez l’un comme chez l’autre. Le
clash était imminent.
NIVEAUX DE COMMUNICATIONLorsque nous sommes en pourparlers avec un interlocuteur, la tendance naturelle de chacun d’entre nous est d’
écouter et de focaliser sur le contenu du discours. Quoi de plus normal à ça, après tout?
S’il y a des mots qui sortent de la bouche de cette personne en face de moi, c’est logique que mes oreilles captent les sons formulés, les transforment en mots et phrases et me fournissent ainsi le message qui m’est destiné. De toute façon, notre vis-à-vis fait de même. Il se peut aussi que nous soyons complètement disposés à nous écouter mutuellement avec attention et bienveillance et pourtant, nos réponses peuvent être inadaptées et la conversation peut se rigidifier à n’importe quel moment. Nous sommes ici au premier niveau de la relation: celui du contenu.
C’est quoi ce bordel, alors?
Sans compter toutes les
interprétations inhérentes à une communication, tout ceci se fait de manière automatique. La grande majorité des personnes pense que ce qui sort de leur bouche est en provenance directe de leur tête. Si c’est vrai d’un point de vue anatomique car c’est bien une zone du cerveau qui produit le langage (Broca pour les intimes), d’un point de vue émotionnel c’est une toute autre histoire. En effet, les émotions et ressentis générés invariablement lors d’une
conversation influencent quasi systématiquement le contenu de notre discours.
Nous sommes là au deuxième niveau de la relation: celui des émotions et sentiments.
ÉCLAIRE UN PEU PAR LAJuste avant le point de non retour qui allait allumer la mèche de la poudrière sur laquelle la copine et son copain étaient assis, une troisième personne étant un peu au fait des
pièges du langage et des aléas des relations humaines proposait aux deux interlocutrices de simplement prendre conscience de leurs ressentis et besoins associés à cet instant et de le partager entre eux. Il s’agissait alors de
rendre explicite ce qui est de l’ordre de l’implicite, à savoir exprimer les “vraies” raisons du désir de l’un et de l’autre.
Après un petit moment de
silence propice à une connexion à tout ce qui n’était alors pas conscient (émotions, ressentis, sentiments), la conversation reprit à un niveau nettement plus apaisé que la minute d’avant. Comme quoi, parler avec le cœur tranquillise les esprits.
D’une négociation poussive entraînant de fait un climat de conflit larvé ne demandant qu’à exploser, le fil de la conversation ne portait plus sur des éléments servant d’écran de fumée mais plutôt sur l’écoute et l’intérêt des besoins exprimés par chacun.
Ce qui fut très étonnant après cette mise à plat des besoins de chacun et du partage des émotions et ressentis, c’est la tournure qu’a pris la conversation.
Dès lors, la demoiselle et son monsieur parlaient à un niveau relationnel beaucoup plus apaisé car authentique. L’objectif n’était alors plus de convaincre l’autre à tout prix mais de faire en sorte que les besoins de chacun soient au moins pris en compte et au mieux satisfaits. La décision finale n’a peut-être pas encore été prise, mais les portes du
changement se sont grandes ouvertes pour laisser circuler les infinis possibilités de solutions qui apparaîtront.
Qui vivra, verra.